Le prix des psy : à moduler selon les moyens
Il est d’usage de dire que le fait de payer sa consultation est le gage de l’implication des patients dans la thérapie ! Je pense que cette information est erronée ! C’est pourquoi j’adapte mes tarifs aux ressources. Je m’explique.
Historique
Dans un texte de 1913 intitulé Sur l’engagement du traitement, Freud pose les bases des conditions pratiques et financières du début d’une cure. Fixité et rigueur du cadre – c’est-à-dire le nombre et de la durée des séances hebdomadaires – ainsi qu’un prix suffisamment élevé lui semblent des prérequis indispensables, non seulement afin de garantir la subsistance du thérapeute, mais aussi pour assurer le bon déroulement du processus analytique.
« Le paiement a pour avantage de moduler la relation analytique, il permet d’inverser cette relation de dépendance ; sous cet aspect c’est l’analyste qui dépend du patient », indique le psychanalyste Alain Gibeault.
Constat similaire à l’époque contemporaine de la part du psychanalyste Jean-Bertrand Pontalis : il se plaît à imaginer une psychanalyse sans argent. Quel serait alors le désir qui animerait l’analyste : le désir de sauver, de se sacrifier, le désir de sainteté ? « L’instauration de l’argent dans la relation analytique me paraît poser moins de problèmes que sa suppression »
Actualité
Dans un commentaire récent sur Linkedin, j’indiquais que le remboursement des consultations par la CPAM me paraissait indispensable (des études en cours dans 3 départements français veulent vérifier si cela permet d’aller davantage vers le suivi psychologique, et si cela aura pour effet de réduire la consommation des psychotropes et les hospitalisations). Une psychologue me répondait qu’elle y voyait un problème concernant la « gratuité » car dégradant l’investissement des patients dans la thérapie….
Mon avis
Personnellement je ne suis pas convaincue par ses arguments sur le pouvoir de l’argent dans l’engagement thérapeutique du patient ! vous l’aurez compris je ne suis pas persuadée non plus du gain thérapeutique par la psychanalyse…mais c’est une autre histoire.
Pour en revenir au sujet, j’ai eu l’occasion d’observer tous types de comportements relatifs aux paiements des séances, ainsi que d’interroger nombre de mes pairs.
Ce que je constate est lié à une vérité que l’on retrouve, à mon sens, dans tous les domaines ou l’argent intervient. Je donne quelques exemples :
-Certains, avec ou sans soucis d’argent, payent et s’impliquent dans leur thérapie, sans qu’un lien soit mis en évidence entre argent et implication.
-Certains, pris en charge dans des circuits de soins donc sans paiement de leur part, s’investissent et d’autres non. cela ne semble pas lié au fait de sortir son porte monnaie.
-Certains, sans soucis d’argent, semblent attendre le rendu ce qu’ils payent, et s’investissent moins : il peut sembler qu’ils aient acheté leur mieux-être, comme si le résultat était payé et devait se produire…
-Certains, en difficulté financière, font le choix entre le Psychologue, le Naturopathe, le Sophrologue… en fonction du prix ou en fonction de la vitesse à laquelle ils imaginent le gain thérapeutique, ou de la largesse du gain (immédiat / durable / ponctuel /complet / autre). Il sont entre deux : s’impliquer en étant en attente de voir un résultat.
Sur ces quelques exemples je ne voit pas l’impact du paiement sur le gain thérapeutique ! L’alliance thérapeutique, par contre, semble jouer un rôle important. La façon dont le psychologue clarifie sa posture et dont il communique, écoute, comprend, s’interesse, considère son patient, la façon dont le lien se noue, dont la confiance intervient, dont la relation se poursuit dans une participation thérapeute-patient.
Le Dr Michael Craig Miller, l’éditeur de la Harvard Mental Health Letter de septembre 2004, a bien résumé l’importance de l’alliance thérapeutique. Il affirme qu’elle est essentielle au succès de toute psychothérapie et, comme l’ont démontré nombre de synthèses d’études, qu’elle serait plus déterminante que n’importe quel autre aspect spécifique du traitement. La recherche démontre que plus l’alliance est forte, meilleurs seront les résultats. Toutefois, le fait que l’intervenant soit amical, ouvert ou accueillant n’est pas suffisant; le patient doit également sentir qu’il est vraiment compris et que le thérapeute est digne de confiance et tout à fait compétent.
Il m’apparait évident que le fait de choisir de suivre une thérapie avec un psychologue est plus impliquant que le fait de le payer :
Le patient ne s’implique pas davantage parce qu’il paye; il s’implique parce qu’il considère une discipline qui peut l’aider, parce qu’il décide le traitement qu’il lui faut, parce qu’il conserve et développe son libre arbitre, entre autre.
Par ailleurs, il n’est pas toujours simple pour le psychologue de recevoir l’argent : je remarque que je partage avec de nombreux pairs l’idée que le paiement direct est une charge nécessaire car c’est notre « salaire » mais dont il faut s’alléger dans notre pratique : par exemple nous devons faire l’effort de nous mettre à distance de ce paiement dans le but de ne pas évaluer le gain thérapeutique de notre accompagnement comme une « prestation cotée à tel ou tel prix ». Ou bien nous devons faire attention à ne pas accélérer une thérapie, c’est à dire bruler des étapes pour réduire les frais du patient.
Source documentaire
Pour finir, et chercher la place de l’argent dans l’implication thérapeutique s’il y en a une, je reprend des éléments de la thèse de Christophe Cazauvieilh en 2018 : « Évaluer et améliorer l’efficacité des psychothérapies » accessible en ligne, sur la question suivante (entre autre) : Quelles sont les connaissances actuellement disponibles quant à ce qui fonctionne et dysfonctionne dans la pratique de la psychothérapie ?
« la part la plus importante dans la variance de résultats dus aux soins, était plutôt reliée aux thérapeutes et à leurs habiletés à interagir avec leurs patients, qu’à l’utilisation systématique d’un mode de traitement en particulier ».
Mes remarques
Je vous invite à lire sa thèse pour aller dans le détail, moi je ne vois nulle part la relation à l’argent comme gage d’implication du patient ou du thérapeute !
Par contre je vois que les sociétés observant le cout grandissant de la prise en charge des soins médicaux liées aux détresses psychologiques qui peuvent entrainer des dégradations de santé physique se rajoutant aux traitements psychologiques initiaux, sont en débats sur la question de la prise en charge des thérapies réalisées par des psychologues, en évaluant leurs résultats au fur et à mesure de la thérapie :
Suite extraite de la thèse de Christophe
« Dans les pays anglo-saxons et particulièrement aux États-Unis, l’impact positif de la psychothérapie sur les coûts de santé, supportés par la société, a été documenté par Nicholas Cummings, dans les années 1950, et a donné lieu à la prise en charge des traitements par les systèmes d’assurance- santé. En Europe, les décideurs politiques sont de plus en plus sensibles à ces arguments, tout comme les organismes remboursant les soins de santé ».
Et dans les conclusions de la thèse de Christophe, je relève
« Il est déjà possible d’utiliser le système PCOMS et la pratique ROM pour aider à encadrer la délivrance des soins et à fournir des données probantes aux organismes d’assurance- santé en permettant de documenter l’efficacité de soins (en vue d’une prise en charge des coûts), et pour rediriger les patients vers d’autres professionnels de la santé en cas de mauvaise réussite initiale au traitement dans un continuum de soins. Et finalement pour aider à développer son efficacité clinique (cliniciens, institutions).
Les informations issues de la pratique ROM pourraient en ce sens apporter des données probantes quant à l’efficacité des psychothérapies en pratique clinique de routine, en vue d’encadrer un futur remboursement des soins par les organismes d’assurance-santé, qui est au cœur des débats actuels. Les informations à transmettre pouvant se limiter aux effets du traitement et exclure des données plus personnelles sur le patient. Ces données pourraient également aider les cliniciens à prendre des décisions cliniques, au cours de la délivrance des traitements, en termes de fréquence des séances, de pause thérapeutique, d’arrêt du traitement et de réorientation des patients vers des confrères ou des institutions ».
Le sujet est lancé, exprimez-vous librement, laissez moi un commentaire, un avis, un témoignage…

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